Successions : 9 questions particulières
28 novembre 2016
Voici un aperçu des questions "complexes" les plus posées aux notaires en matière de successions :
- Je considère l'enfant de mon partenaire comme mon propre enfant. Peut-il devenir mon héritier ?
- Mes enfants ont tout ce dont ils ont besoin. Puis-je directement léguer mes biens à mes petits-enfants, en lieu et place de mes enfants ?
- L'un de mes enfants est handicapé. Que puis-je entreprendre pour être certain(e) qu'il ne manquera de rien après mon décès ?
- Je ne m'entends pas avec mes enfants. Puis-je tout léguer à mon partenaire ?
- Je n'ai pas de famille. Qui héritera de mes biens ?
- Je souhaite me remarier, mais je ne veux pas que mes enfants s'en retrouvent pénalisés. Est-ce possible ?
- Que signifie la clause "Au dernier vivant les biens"?
- Je ne m'entends plus avec mon époux/épouse depuis de nombreuses années. Existe-t-il une possibilité de le/la déshériter ?
- Qu'implique une clause d'accroissement lors de l'achat d'un immeuble ?
1/ Je considère l’enfant de mon partenaire comme mon propre enfant. Peut-il devenir mon hériter ?
Les beaux-enfants n’ont pas de droit successoral légal. Il est cependant possible d'en faire des héritiers.
Vous pouvez par exemple avantager vos beaux-enfants dans un testament, tout en respectant certaines conditions. Attention : vous devez respecter la « réserve » de vos propres enfants. Ils ont en effet droit à une partie protégée de la succession. Si vos beaux-enfants héritent, ils devront en principe payer les mêmes droits de succession que vos propres enfants.
Une autre manière, plus extrême, de leur octroyer un droit successoral consiste à faire de vos beaux-enfants des héritiers légaux en les adoptant. Grâce à l’adoption, vos beaux-enfants obtiendront les mêmes droits que vos propres enfants.
2/ Mes enfants ont tout ce dont ils ont besoin. Puis-je directement laisser une partie de ma succession à mes petits-enfants, en lieu et place de mes enfants ?
Les grands-parents peuvent bien entendu choisir d’établir un testament ou de faire une donation en faveur de leurs petits-enfants.
De plus, reprendre ses petits-enfants dans un testament peut être avantageux d’un point de vue fiscal (en payant moins de droits de succession).
Suite au décès des grands-parents, les enfants peuvent aussi choisir eux-mêmes de renoncer à leur succession. C’est là qu’intervient la « représentation ». Les (petits-)enfants héritent en lieu et place de leurs parents. L’initiative appartient ici aux parents (qui doivent renoncer à l’intégralité de la succession), et non du côté des grands-parents.
3/ L’un de mes enfants est handicapé. Que puis-je entreprendre pour être certain(e) qu’il ne manquera de rien après mon décès ?
Différentes possibilités existent pour régler le droit successoral d’un enfant handicapé. Une première technique est ce que l’on appelle le « legs de residuo ». Le legs de residuo est une disposition testamentaire dans laquelle les mêmes biens sont attribués par le testateur successivement à différentes personnes : d’abord à un premier bénéficiaire et ensuite, lors du décès de ce dernier, à un deuxième bénéficiaire. Il s’agit donc d’un procédé en deux étapes. Le second bénéficiaire ne reçoit que ce qu’il reste du premier bénéficiaire. Cette technique est également possible pour une donation. Nous parlons alors d’une « donation de residuo ». Les parents d’un enfant peuvent ainsi désigner leur enfant handicapé comme premier bénéficiaire et ensuite les personnes qui ont pris soin de leur enfant comme second(s) bénéficiaire(s).
Une autre solution est de faire un legs ou une donation avec charge. Exemple : je lègue une somme d’argent à telle personne à charge pour elle de prendre soin de l’enfant handicapé.
Une troisième possibilité est de passer par une fondation ou une société. Il s’agit en fait de structures de contrôle qui permettent de gérer un capital sur mesure. Lorsque la fondation privée est garante de l’entretien de l’enfant, le patrimoine est géré en vue de la réalisation de revenus suffisants, de sorte que l’enfant puisse mener une existence digne. Les membres de la fondation peuvent être des membres de la famille qui gèrent le patrimoine. Les statuts de la fondation peuvent être rédigés en faveur de l’enfant fragilisé.
4/ Je ne m’entends pas avec mes enfants. Puis-je tout léguer à mon conjoint/partenaire ?
Les enfants bénéficient dans tous les cas d’une réserve légale en matière de succession, qui correspond, à partir du 1er septembre 2018, à la moitié de votre patrimoine. Concrètement, cela signifie que vous ne pouvez pas déshériter totalement vos enfants, mais vous pouvez toujours disposer librement d'au mnimum la moitié de votre patrimoine (quel que soit le nombre d'enfants que vous ayez), que vous pouvez léguer entièrement à votre conjoint/partenaire, par le biais d'un testament ou d'un contrat de mariage.
5/ Je n’ai pas de famille. Qui héritera de mes biens ?
Les héritiers sont divisés en plusieurs ordres : ce sont les différentes catégories d’héritiers appelés à la succession. Les enfants sont les héritiers du premier ordre, ensuite viennent les pères et mère, frères et sœurs (2e ordre), puis les grands-parents et arrière-grands-parents (3e ordre), et enfin les oncles/tantes et cousins/cousines. Si vous n’avez aucun héritier, le notaire vous conseillera de léguer à un tiers. Sinon, l’État pourra prétendre à votre héritage.
Léguer à une tierce personne (à un bon ami par exemple) peut cependant coûter cher, car les taux de succession sont élevés entre personnes sans lien de parenté. Le notaire peut en revanche vous conseiller d’établir un « legs en duo ». Cette technique permet de léguer une partie importante de votre patrimoine à une association ou une fondation (faiblement taxée), à charge pour celle-ci de verser une somme nette à la personne que vous désignez et de payer la totalité des droits de succession. Dans un legs en duo, vous désignez donc deux bénéficiaires. Bien qu’elle doive payer des droits de succession, l’association ou la fondation hérite elle aussi. Il s’agit donc d’une solution win-win.
6/ Je souhaite me remarier, mais je ne veux pas léser mes enfants. Est-ce possible ?
Oui, c’est possible en optant pour un contrat de mariage contenant la clause dite « Valkeniers ». On peut utiliser une telle clause lorsque l’un des futurs époux ou les deux ont déjà des enfants issus d’une autre relation. Ce régime n’est donc ouvert qu’aux personnes mariées. Les personnes mariées héritent en principe de l’usufruit sur le patrimoine du conjoint. La clause Valkeniers permet à l’époux survivant de renoncer à certains droits, comme renoncer au droit d’usufruit sur certains comptes, renoncer à demander le rapport ou la réduction de donations faites aux enfants, renoncer au droit successoral sur des biens qui ont été donnés précédemment à l’autre époux en avancement de la part successorale, etc. Vous limitez ainsi la part de votre conjoint au profit de vos enfants issus d’une première union. Seule exception : à partir du 1er septembre 2018, l’époux survivant aura toujours un droit d'habitation sur le logement familial et un droit d'usage des meubles qui le garnissent, d urant une durée de 6 mois à compter du décès. Vous ne pouvez pas l’en priver.
7/ Que signifie la clause « au dernier vivant les biens » ?
Dans le régime légal (régime sous lequel la majorité des couples sont mariés), la communauté est divisée en deux en cas de dissolution du régime (par le décès par exemple). Une moitié revient à l’époux survivant et l’autre moitié tombe dans la succession de l’époux prédécédé. S’il y a des enfants, cette moitié revient pour l’usufruit à l’époux survivant et pour la nue-propriété aux enfants.
Cependant, les couples mariés sous le régime légal souhaitent parfois que la totalité (ou du moins le plus possible) de leur patrimoine revienne au survivant d’entre eux en cas de décès.
Ils peuvent le faire tout simplement en insérant une clause « Au dernier vivant les biens » dans leur contrat de mariage. Cela se fait par acte notarié. Par conséquent, toute la communauté reviendra au survivant des époux en cas de décès. Cette intervention a toutefois un coût fiscal : plus l’on reçoit, plus lourd sera le tarif appliqué et plus élevés seront donc les droits de succession (le logement familial est heureusement exonéré de tout droit succession). De plus, lors du décès du survivant des deux époux, des droits de succession devront encore être payés par les enfants sur l’intégralité de la succession.
La clause « d’attribution optionnelle » représente ici une bonne solution intermédiaire. Dans ce cas, les deux époux conviennent dans un contrat de mariage que le survivant d’entre eux pourra choisir lors du décès du prémourant ce qu’il fera du patrimoine commun, c’est-à-dire combien il souhaite conserver et combien il laisse déjà à la génération suivante. La clause d’attribution optionnelle laisse donc toutes les possibilités ouvertes jusqu’au décès du conjoint prémourant. Le conjoint survivant ne devra alors décider qu’à ce moment de la façon dont le patrimoine commun sera partagé.
8/ Je ne m’entends plus avec mon époux/épouse depuis de nombreuses années. Existe-t-il une possibilité de le/la déshériter ?
Le législateur a attribué au conjoint survivant un droit successoral légal qui varie selon la présence d’autres héritiers tels que des enfants, des frères, des sœurs, etc. Cependant, le minimum absolu (à savoir, la réserve) du conjoint survivant doit correspondre à l’usufruit de la ½ de la succession, en ce compris l’usufruit du logement familial et des meubles qui le garnissent.
Vous pouvez cependant déshériter votre conjoint de façon totale (et supprimer cette réserve) aux trois conditions suivantes :
- Vous avez rédigé un testament, dans lequel vous déshéritez votre conjoint ;
- Au jour de votre décès, vous viviez séparément depuis au moins 6 mois ;
- Vous aviez demandé le droit de vivre séparément par l’intermédiaire du juge sans avoir repris de vie commune depuis lors.
Si les deux conjoints souhaitent se déshériter mutuellement, ils doivent répondre chacun séparément aux conditions fixées ci-dessus.
Un autre cas où il est possible de déshériter entièrement son conjoint, c’est lorsqu’une procédure de divorce par consentement mutuel est en cours au moment où l’un des époux décède. Dans ce cas, on peut stipuler dans les conventions préalables que les époux ne pourront faire valoir aucun droit (même plus leur réserve) sur la succession l’un de l’autre.
9/ Qu’implique une clause d’accroissement lors de l’achat d’un immeuble ?
Une clause d’accroissement est une convention dans laquelle deux ou plusieurs personnes qui possèdent ou acquièrent un immeuble conviennent que la partie du prémourant reviendra au survivant d’entre eux.
Il s’agit d’un contrat aléatoire car on ne sait pas à l’avance qui décédera en premier : le survivant, qui devient au final seul propriétaire du bien, aurait également pu décéder en premier. C’est aussi la raison pour laquelle il ne faut plus payer de droit de succession suite au décès du (des) prémourant(s). La clause d’accroissement peut avoir des avantages fiscaux parce qu’il n’y a pas de droits de succession dus sur la part du conjoint prédécédé, mais bien le même impôt que celui payé au moment de l’achat (en principe : 12,5% à Bruxelles et en Wallonie et 10% en Flandre).
Outre cet avantage fiscal, la clause d’accroissement est en général utilisée pour ses possibilités sur le plan civil : en utilisant la clause d’accroissement (comme contrat aléatoire équilibré), la part du prémourant ne tombe pas dans sa succession et les héritiers (les enfants ou les parents par exemple) ne peuvent pas faire valoir de droits dessus, même pas leur réserve. De cette façon, la clause d’accroissement peut être utilisée par les cohabitants de fait afin de permettre à son partenaire d’hériter de quelque chose. Les héritiers du conjoint prémourant n’hériteront pas nécessairement du survivant, de telle sorte que les biens qui ont fait l’objet de la clause d’accroissement disparaîtront dans ce cas définitivement du patrimoine de la famille du prémourant. Il peut être paré à cet inconvénient en utilisant une clause d’accroissement limitée à l’usufruit du bien concerné.
La clause d’accroissement ne peut, à moins qu’il en ait été convenu autrement, être rompue qu’avec l’accord de toutes les personnes concernées, et jamais de manière unilatérale. Cela signifie qu’une personne qui a inséré une clause d’accroissement dans son acte d’achat ne pourra plus jamais céder ou léguer unilatéralement sa part à un tiers. Il faut donc parfois veiller à limiter la portée de cette clause dans le temps, ou prévoir une possibilité de résiliation dans l’acte.
Source: Fédération Royale du Notariat Belge