Respecter la part des héritiers réservataires

La loi prévoit que certains héritiers doivent recevoir une partie des biens de la succession du défunt : cette quotité est appelée la "réserve". Le défunt ne peut donc disposer que d'une partie des biens qui composeront sa succession.

Que se passe-t-il si le défunt a voulu anticiper son décès en donnant à telle ou telle personne certains biens, voire tous les biens dont il était propriétaire, sans rien laisser à ses héritiers ? Les héritiers ont-ils une possibilité de faire valoir leur réserve ?

C'est précisément par le mécanisme juridique de la réduction que cet objectif est atteint. En effet, la libéralité (la donation) sera "réduite" à concurrence de ce qu'elle a porté atteinte à la réserve. En d’autres termes, la libéralité, c’est-à-dire la donation qui avait été faite du vivant du défunt, ou le legs du défunt, sera en quelque sorte rendue inefficace vis-à-vis de la personne qui avait reçu cette donation ou legs.

 

Exemple

Un père de famille a deux enfants, Renaud et Philippe, et des biens successoraux pour une valeur de deux millions, Renaud et Philippe ont chacun droit à une réserve de 1/4 de la succession, donc 500.000 € chacun.

Le père décédé a donné, de son vivant, les deux millions à Renaud, qui était en quelque sorte le préféré de son père. Philippe, en prouvant que son père a donné ces deux millions à Renaud, pourra exiger de son frère de lui restituer le 1/4 de la succession (500.000 €) auquel il a droit. Les sommes données seront alors "réduites"  au moment du partage de la succession. Concrètement, Renaud devra verser 500.000 € à Philippe. 

 

La réduction

La réduction doit être demandée

La demande de réduction n'est pas automatique. Elle doit être demandée. Seuls les héritiers réservataires peuvent le faire puisque c'est leur réserve qui est atteinte. Les créanciers du défunt ou les légataires gratifiés ne peuvent pas le faire.

Comment s'effectue la réduction ?

Toute donation qui dépasse la quotité disponible et qui porte atteinte à la réserve doit être restituée.
Si la demande de réduction porte sur des donations antérieures, on réduira d'abord les dernières donations en date. Si cette demande porte sur des legs consentis par testament, tous les legs seront réduits proportionnellement. Par contre, si elle porte sur des donations antérieures et sur des legs, il faudra d'abord réduire les legs avant d'éventuellement devoir réduire les donations antérieures.

Peut-on accepter à l’avance que notre réserve soit atteinte ?

Quelle que soit la protection de la réserve légale d'un héritier, il peut, pour diverses raisons, accepter  à l’avance que sa réserve puisse être affectée. Prenons, par exemple, la situation dans laquelle une personne réalise que son frère ou sa sœur ne peut pas subvenir à ses besoins (en raison d’un handicap par exemple). Les parents pourraient alors faire un don substantiel au profit de leur enfant à charge.

Sans intervention d'un acte spécifique (un pacte successoral ponctuel), les parents seraient bloqués. En faisant un don, ils doivent prendre en compte l'héritage minimum de leurs enfants. Un héritier réservataire (par exemple un enfant) peut accepter à l’avance, pour un don déterminé, que sa réserve soit affectée. L’héritier en question peut le faire en renonçant à son action en réduction, ce qui signifie qu’il indique par là même qu’il n’exercera pas d’action en réduction à l’égard d’un don déterminé. Cet accord est possible via un pacte successoral ponctuel. Il s’agit d’une convention que vous pouvez conclure avec le notaire.