Laura, enceinte de son mari décédé : « Tant qu'il y a de l'amour, la parentalité est possible » (Témoignage)
7 septembre 2023
Amoureux, fiancés, mariés. Dans les plus beaux contes de fées, ces termes sont suivis de « maison, jardin, bébé ». Mais toutes les histoires ne se terminent pas ainsi; Laura Verhulst (28 ans) en a malheureusement fait l'expérience. Il y a un an, elle a dit au revoir à son grand amour Kobe. Et a entretenu leur désir d'avoir des enfants, continuant les démarches. Aujourd'hui, elle attend avec impatience l'arrivée de son premier bébé, celui de Kobe.
« La semaine a été difficile », dit Laura au début de notre conversation. « Le deuil est revenu durement. Nous nous attendons encore trop souvent à ce qu'un processus de deuil soit linéaire, avec un point final clair, mais il se déroule en fait par vagues. Parfois ça va mieux, parfois moins. Le point positif de la semaine est la peinture que je viens d'acheter choisie pour la chambre de bébé. Vieux rose et vert pastel, car je désire réaliser des dessins avec des arcs-en-ciel. Ils se produisent à la fois sous la pluie et sous le soleil. Depuis que Kobe est parti, j'apprécie vraiment les symboliques : le bonheur et la tristesse peuvent aller de pair. »
Faire-part de naissance personnalisé
Revenons un instant en 2019. Un cancer de l'estomac est diagnostiqué chez Kobe, le grand amour de Laura. « Au départ, nous pensions que Kobe serait complètement guéri », raconte Laura à ce sujet. « Mais comme le traitement contre le cancer pouvait affecter sa fertilité, nous avons fait congeler le sperme de Kobe, juste pour être sûrs ». Plus la maladie de Kobe avançait, plus le sujet des enfants revenait souvent sur le tapis. « Kobe me soutenait à 100 % dans mon désir croissant d'avoir des enfants, mais je me débattais avec un dilemme éthique : quand commence-t-on à avoir des enfants lorsque son partenaire est atteint d'une maladie incurable ? Finalement, le temps nous a rattrapé : en septembre 2021, il est devenu évident que Kobe ne se rétablirait pas et que notre temps ensemble était compté. C'est à ce moment-là que l'idée d'avoir un enfant ensemble a pris forme ».
Ensemble, Kobe et Laura ont tout préparé pour le bébé à venir. « Même s'il n'était pas question d'un programme de fertilité à l'époque, nous avons anticipé de plusieurs façons le scénario dans lequel je tomberais enceinte de toute façon. Le fait que j'aie entamé ce processus en tant que femme avec un partenaire a beaucoup compté pour moi. Je ne me suis donc jamais sentie seule. J'ai convenu avec Kobe que même s'il mourait, je pourrais poursuivre notre désir d'avoir des enfants. Lorsque Kobe est entré en phase palliative en octobre 2021, il a encore fait l'annonce de la naissance lui-même. Nous avons choisi un prénom ensemble, demandé la marraine et le parrain... Nos journées étaient lourdes et remplies d'adieux, mais nous avons aussi trouvé la légèreté dans notre désir d'enfant. La prise de conscience qu'il n'y avait pas d'avenir à attendre dans lequel nous jouerions tous les deux un rôle actif dans la vie de notre enfant a été douloureuse. Mais en même temps, nous voulions remplir le peu de temps qui nous restait avec autant de valeur que possible. C'est ce qui a donné à Kobe la force de continuer. Et si je changeais d'avis à l'avenir et que je voulais mettre de côté notre désir d'avoir des enfants, il était tout à fait d'accord avec cela ».
Entrevoir le bonheur
Après la mort de Kobe, Laura dispose officiellement de deux ans pour être enceinte. Les six premiers mois comptent comme période de deuil obligatoire, ce qui ne laisse en réalité qu'un an et demi. « J'ai été choquée par ce délai. Je comprends qu’on ne puisse pas commencer à avoir des enfants immédiatement après le décès de son partenaire. Pendant ces six mois, j'ai moi-même oscillé à plusieurs reprises entre "dois-je le faire ?" et "j'y vais !". Ce doute me semble également nécessaire. Et utile, car élever seul un enfant n'est pas une décision que l'on prend à la légère. Mais le temps vous donne aussi la possibilité de vous inquiéter énormément… Et les dix-huit mois restants ne font qu'augmenter la pression : et si vous ne tombez pas enceinte tout de suite ? Bientôt - heureusement - la législation sera modifiée : les partenaires disposeront alors de cinq ans au lieu de deux après le décès de l'autre parent. Certains ne comprennent pas qu'une personne puisse vouloir un enfant de son partenaire décédé. En discutant autour de moi, je sais que je suis loin d'être la seule à avoir ce souhait. On me dit aussi que je suis encore jeune et que je peux rencontrer quelqu'un d’autre. C'est possible, oui. Mais pour moi, avoir un enfant de Kobe peut coexister avec la rencontre d'un nouveau partenaire. Mais, ce n'est pas encore pour demain ».
Nous lui demandons si elle espère que son bébé ressemblera à Kobe. « En fait, je m'en fiche un peu », répond Laura en souriant. « Je veux avant tout que notre enfant soit lui-même à 100 % - c'est le meilleur cadeau que je puisse lui faire. Tout ce que j'espère, c'est qu'il soit en bonne santé et heureux. Mon fils ou ma fille n'est pas censé(e) maintenir Kobe en vie, une telle attente entraînerait une pression inutile. J'espère transmettre à notre bébé la curiosité et la musicalité de Kobe, deux traits qui le caractérisaient. Je ne saurai jamais comment il les aurait réellement transmis mais je peux donner à notre bébé suffisamment de stimulations et lui offrir la guitare sur laquelle Kobe jouait toujours. La parentalité ne sera pas une promenade de santé, mais elle ne l'est jamais, même quand on a un partenaire à ses côtés. Comme il s'agit de l'enfant de Kobe, j'ai l'impression qu'il est toujours à mes côtés. Je peux aussi compter sur sa famille : comme mes propres parents, mes beaux-parents sont impatients de rencontrer le bébé. Et si notre fils ou notre fille demande un jour des nouvelles de son papa, je serai ravie de lui parler de Kobe. De belles histoires en perspective ».
Texte : Maud Vanmeerhaeghe - Photos : Thomas De Boever
Source: Fednot