Jean Galler : « J’ai toujours été un fonceur » (Témoignage)
13 juin 2024
Il n’avait que 21 ans quand il a lancé la chocolaterie Galler. Le voici revenu à ses racines avec ses boulangeries-pâtisseries dans la région de Liège. De la fève à la farine, Jean Galler, fils et petit-fils de boulanger, revient sur son parcours d’artisan et d’entrepreneur.
Sa passion du chocolat l’a conduit à créer les bâtons les plus connus du pays. Avec sa femme Yvette, Jean Galler a connu les soubresauts d’une entreprise au rayonnement international : succès, déploiement, arrivée d’investisseurs et vente en 2018. Mais pas question de se laisser abattre, bienvenue à Chez Blanche, boulangerie-pâtisserie qui se décline, depuis cinq ans, en plusieurs enseignes. Avec toujours l’envie de transmettre le goût de l’authentique et un savoir-faire acquis dès l’adolescence.
Que pensez-vous quand vous observez tout le chemin parcouru ?
Quelle belle histoire ! Mes parents travaillaient sept jours sur sept, j’ai grandi dans un milieu très modeste mais je ne regrette rien car j’ai été entouré d’amour. J’ai quitté l’école à 16 ans, en me formant continuellement. Je milite, dans une certaine mesure, pour sortir du schéma classique. Ne pas avoir de diplôme n’est pas une tare absolue, tous les jeunes ne passent pas par la case université. J’estime avoir une vie fantastique.
Une belle histoire de transmission. Vos grands-parents et vos parents vous ont-ils passé le gène de la boulangerie et de la pâtisserie ?
J’avoue avoir commencé dans ce domaine sans savoir, comme la majorité des jeunes, ce que je désirais exactement, je voulais juste arrêter l’école. Mais quand j’ai touché au chocolat, ce fut un véritable déclic. J’ai eu la chance, ensuite, de travailler dans une des meilleurs pâtisseries de Belgique, un autre déclic. J’ai enchaîné chez Lenôtre, mon destin s’écrivait. J’ai eu le bonheur de vivre du chocolat durant 40 ans avant de revenir à la pâtisserie. À 63 ans, mon épouse et moi savions alors exactement où aller, il y avait une place à prendre sur le marché et l’attente des consommateurs nos a confortés dans notre idée.
Le succès de cette nouvelle entreprise a-t-il pansé les plaies du passé, quand vous avez dû revendre vos parts de Galler ?
J’ai toujours été un fonceur, peut-être aurais-je dû écouter davantage les conseils de mon entourage à certains moments. Rapidement, il a fallu que je me défende et j’ai pu compter sur l’expertise de mon avocat, de mes collaborateurs et d’un ami expert. Cette écoute et l’expérience m’ont permis de réaliser Chez Blanche et de vivre, en accéléré, la réussite connue avec Galler. Après toutes ces années, j’étais d’emblée crédible et j’ai pu m’entourer d’une équipe exceptionnelle. Il s’agit d’un projet particulier qui comporte plusieurs métiers. L’atelier de boulangerie est à même de livrer nos neuf boulangeries tous les jours. Juste à côté se trouve la chocolaterie, et enfin sur un autre site la pâtisserie. Nous produisons aussi de la biscuiterie. Une sacrée progression car nous avons démarré avec des bouts de ficelles. L’activité est intense, avec des équipes de jour et des équipes de nuit, une certaine polyvalence et des interactions entre les ateliers.
Vous sentiez-vous plus en confiance d’avoir dirigé une entreprise d’envergure ?
Tout était très clair dans mon esprit quant à ma vision du projet et aux valeurs de bio et de durabilité que je voulais exposer. Les choses ont été détaillées par écrit en novembre 2018 et n’ont plus bougé depuis. Une situation bien différente de celle que j’ai vécue à 21 ans, en me lançant dans le chocolat. Je savais que j’y reviendrais un jour car les clients me posaient sans arrêt la question. Une fois la fin de la clause de non-concurrence de deux ans atteinte, nous avons recommencé dès le lendemain, le 6 novembre 2020, à produire des bâtons, tablettes et pralines !
Considérez-vous Chez Blanche comme une continuité ou un nouveau départ ?
Il y a des deux. Nous ne pouvions plus utiliser le nom Galler. Chez Blanche s’est imposé très vite : blanche comme la farine, comme les mains de mon grand-père la travaillant, comme la trace nette que nous devons laisser sur cette planète mais aussi blanche comme la nouvelle page qui s’ouvrait à nous. Je n’avais jamais imaginé un tel retour aux sources mais la vie l’ayant décidé, redevenir boulanger était une évidence. Aujourd’hui encore, tout me rappelle mon père et mon grand-père. Je ressens une vraie fierté à assumer cet héritage, dans un métier difficile où on travaille sans compter les week-ends, les fêtes… Peu le veulent encore. Je suis conscient de créer de l’emploi et aussi fier de proposer un centre de formation. Un jeune qui le désire peut apprendre, en trois ans, comment on fabrique un pain au levain tel qu’il y a dix mille ans, de la pâtisserie dans la plus pure tradition et du vrai chocolat. Et je vous assure que les demandes sont nombreuses mais il faut avoir le feu sacré.
Vous-même travaillez en famille. La transmission continue
Ma fille et mon beau-fils ont, en effet, travaillé avec moi chez Galler, ma fille également pour notre vignoble et au démarrage de ce projet. Mais elle a eu envie de créer sa propre entreprise et de vivre aussi par elle-même, comme son époux. Je trouve cela normal et suis heureux de leur réussite. Quant à mon épouse, elle gère notamment les réseaux sociaux, avec une parution quotidienne teintée d’humour, elle se montre très proche des followers.
En en plus vous avez un vignoble, Septem Triones. Un autre rêve réalisé ?
J’ai appris à connaître le vin mais sans plus. Mon épouse a toujours joué un rôle immense dans ma vie, elle m’a poussé à prendre des cours d’œnologie, ce que j’ai fait pendant vingt ans, nourrissant le désir d’avoir notre propre vignoble. Nous nous projetions en France mais les déplacements, peu écologiques, nous rebutaient. Avec le réchauffement climatique, le sol belge s’avère exceptionnel pour la vigne. En 2008, on me traitait de fou. Et nous voilà produisant un vin bio depuis quinze ans. Je considère tous ces projets comme des cadeaux de la vie.
Quels conseils donner à quelqu’un qui désire créer son entreprise ?
Les temps ont changé. A l’époque, je n’avais pas un sou, j’ai demandé un prêt de cent mille francs qui m’a été accordé sans problèmes sur référence de la stabilité et de l’honnêteté de mon papa. Même chose pour acheter ma maison. Aujourd’hui, le contexte est plus compliqué. Je conseille à chaque jeune de trouver sa voie, tout le monde a en soi une voie à explorer, un talent à exprimer. Pour se lancer comme indépendant, il est impératif de maîtriser le domaine, de soigner sa communication, de bien s’entourer et de se démarquer.
Et dans le cas d’une reconversion ?
Je connais plusieurs personnes dans ce cas parmi mes collaborateurs, des cadres désireux de changer de vie, une personne ayant vécu un burn-out dans une grosse entreprise, une psychologue en rupture avec le milieu médical actuel… Les gens sont en quête de sens, surtout depuis le Covid, l’argent ne fait pas tout. Il faut oser mais en assurant ses arrières.
Avez-vous bénéficié des conseils d’un notaire au cours des différentes étapes de votre vie professionnelle ?
J’ai vraiment un notaire de confiance depuis 2000, j’ai connu d’abord son papa. Comme j’ai traversé des moments épiques, son aide a été précieuse, il est revenu plusieurs fois sur des points précis auxquels je n’avais pas pensé.
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Texte : Gilda Benjamin - Photo : Jan Crab
Source: Fednot